Jean
Villeri
Un artiste chaleureux, une vision tragique : telle est l’énigme
de Villeri. Il crée dans la passion, en peintre lyrique.
Sous l’exubérance, la fantaisie et une certaine
curiosité baroque pour l’étrange, on
sent chez lui la présence de l’angoisse. Même
dans sa période de tachisme heureux, il maniait déjà
le bitume, exacerbant ainsi jusqu’à la crispation
ses élans vers la vie. Puis l’ombre s’est
épaissie. Abandonnant la couleur pour le rugueux,
il s’est râpé le cœur jusqu’au
sang. Avec de vieilles ferrailles bosselées, martelées,
martyrisées, clouées sur de lourds panneaux,
il a créé le décor religieux de ces
antiques grottes sacrées où l’inhumanité
de l’existence se concrétisait en monstres
magnifiques. Un tableau de Villeri fait d’une chambre
un sanctuaire, car il attire à lui tout ce dont la
vie dite normale nous frustre : on n’a jamais fini
d’interroger son visage d’énigme.
Récemment, sous le choc des événements
de Mai, cette création souterraine a fait une éruption.
On a vu jaillir des flammes, une lave rouge et or a éclairé
la nuit. Ce qui étonne chez Villeri, c’est
ce perpétuel renouvellement, ces poussées
de vie qui percent de toutes parts et germent dans toutes
les directions. Mais pourquoi s’étonner de
cette jeunesse puisqu’elle est le propre de l’artiste
authentique? Ce peintre apparemment heureux et comblé
est un grand inquiet et son œuvre, comme toutes les
grandes œuvres, n’est pas venue parmi nous pour
plaire et consoler, mais pour tourmenter nos innocences
et nous faire pénétrer somptueusement dans
nos propres profondeurs.
Jean Onimus
préface catalogue Château-Musée
de Cagnes-sur-Mer,1968.
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