Léonardo Lagorio
peintre Onegliese de dimension européenne

Quand un jour peut-etre proche quelques talentueux voudra réécrire l’histoire de la peinture Ligure “estremo ponentina” il ne pourra faire à moins de relever qu’elle a été caractérisée, depuis ses débuts, d’une rapide suite de découverte d’une évidente qualité et particularité de langage historique et artistique, portant finalement à la lumière l’œuvre et les évènements de peintre jusqu’à présent oublié, ou inconnu du grand public et de l’histoire officielle. Parmi ces derniers émèrge de manière puissante la figure du peintre Jean Villeri, lequel manque sur les plus importante publications à caratère encyclopédique inhérente à la peinture Ligure de la fin du 19 ème jusqu’au début du 20 ème (y compris celles que j’ai réalisées) et ce qui représente mon plus grand regret.
Jean Dominique Joseph Villeri est né à Oneglia le 28 février 1896 de Caroline Oneglio.
Après quelques années vécues à Oneglia, son père, Disma, en 1905 s’installe à Monte-Carlo pour développer sa profession de chef d’orchestre. A cette activité il ajoute aussi celle de compositeur discipline dans laquelle il obtient une certaine notoriété pour la Principauté pour laquelle il compose l’hymne national.
En 1906 la famille Villeri s’installe définitivement à Cannes. Jean grandit dans une ambiance familiale culturelle et artistique fertile et développe un goût esthétique. Il a des prédispositions pour le dessin et une grande sensibilité de coloriste.
Ses études terminées, au cours desquelles il montre des signes d’un précoce talent artistique, il travaille durant une brève période dans l’atelier de tailleur de son frère aîné qui reconnaissant ses dons exceptionnels arrive à convaincre ses parents de l’aider dans sa vocation dans la peinture.
À 17 ans Jean donne des leçons de peinture aux touristes étrangers sur la Côtre d’Azur, tandis que sa présence est déjà repérée dans des expositions comme le salon des artistes français à Paris. En 1912 il expose au palais des Beaux Arts de Menton et à la société des artistes de Nice.
À Nice, il connait Soutine, Kikoine, Austerlind et rencontre Renoir. En 1916 il se rend à Paris où il fréquente les milieux artistiques et culturels de la Capitale. Il n’est pas insensible à la grande leçon impressionniste, mais regarde avec un plus grand intérêt la phase post-impressionniste et expressionniste. Les rares œuvres de cette période témoignent de la phasse figurative de jeunesse. En 1921 il effectue un voyage d’études à Venise. En 1922 il épouse Olivia Funk et s’installe au Cannet où il rencontre et fréquente Pierre Bonnard. En 1924 il prépare une exposition personnelle à la Galerie Allard et expose en 1926 avec Bonnard à la Maison des Arts de Cannes. En 1929, le tournant : avec Francis Picabia, Jean Crotti et Jacques Villon, ils participent activement aux recherches plastiques du groupe formé au Cannet et rejoint avec beaucoup de convictions la voie de l’abstraction.
Les années suivantes sont caractérisées par une croissante et constante ferveur de l’activité sportive. Ses centres d’intérêts vont de la natation à la pêche sous-marine, de la boxe au canotage, de la voile au ski. Villeri est désormais en pleine maturité, et à travers la pratique constante de ces disciplines semble vouloir atteindre la perfection de son être. Le poid de la forte spiritualité de son message artistique peut être entièrement réservée dans cette action pratique de puissance harmonieuse de son corps. Son espace mental débarrassé de ses contraintes et de ses limites peut ainsi laisser passer les plus grandes sollicitations qui affluent de cette situation hypersensible. Libérer l’idée en favorisant la génèse des images qui se révèle dans la dimension de l’altérité. En 1934 Villeri adhère au mouvement “abstraction création” fondé par Herbin, Mondriand, Kendinski et Vantogerloo, il participe aux expositions de groupes, et publie ces œuvres dans les numéros 2,3,4,5 de la revue du même nom à côté de ses plus célèbres amis.
En 1940, il quitte Cannes et s’établit sur les hauteurs de Cagnes, pour continuer dans la solitude ses recherches plastiques et chromatiques qu’il avait déjà expérimentées en 1939. À cette date, Jean Villeri expose à Paris à la Galerie Henriette des œuvres dans lesquelles on retrouve la nature poétique de son projet et où l’on pressent la future évolution de son langage.
On retrouvera des fragments d’objets éclatés par la violence de la mer sur les plages de la Côte-d’Azur agglomérés dans un pâte sableuse dense, revisités dans des inédites formes plastiques immobilisées.
Des morceaux de filets de pêche, des débris d’épave de barques naufragées, morceaux de liège et filaments de ferrailles récupérées recomposés en structures plurielles, sont des marques des symboles et des messages criptés projetés dans le devenir d’un temps, Présent, Futur Antérieur dimensions développées par Villeri dans le courant des années 60.
La période qui suit les années 40 est caractérisée d’une continuelle recherche de perfection de son langage poétique abstrait exception faite d’une brève parenthèse en 1944 quand, contraint de se réfugier à St Jean du Gard, il retrouve la joie de peindre d’après motif en privilégiant la technique de l’aquarelle. À partir de 1947, à la fin du dernier conflit mondial, l’activité de Jean Villeri est une succession de succès public et de reconnaissance de la part de la critique.
Il obtient de nombreux prix au cours d’expositions prestigieuses à Paris, Londres, Bruxelles, Stockholm, Milan, Turin, des acquisitions officielles des Musées et des Institutions Publiques et Privées.
Néanmoins l’artiste ne semble pas disposé à s’endormir sur les lauriers des succès obtenus. Il préfère le danger de la créativité plutôt que se confronter aux honneurs et aux ovations : S’asseoir à la table du succès, croire aux certitudes de possession matérielles sur le plan vénal sera dangereux pour l’artiste. Il se trouvera dans l’état de l’oiseau qui perd sa ligne de vol.
Plusieurs critiques ont écrit sur l’art de Jean Villeri : Jacques Lepage, René Char, Franck Elgar, Jean Lescure, Jean Forneris, Michel Godet, André Verdet, et de nombreux autres y compris Villeri lui-même toujours très attentif et déterminé à discourir sur les thèmes formels et essentiels de son langage artistique.
Parmi tous les textes que j’ai pu étudier celui de Jean Forneris pour l’exposition de 1988 au Musée des Beaux Arts de Nice m’est apparu le plus pertinent.
Le critique français rappelle le caractère intellectuel et cérébral de l’œuvre de Villeri en rappelant le sens “européen”, la grande cohérence de ses débuts en accord avec les grands mouvements artistiques de son temps. Ces rapprochements des instances poétiques des “nouveaux réalistes” à la fin des années 60 trouvent aussi une analogie dans le développement de l’arte povera alors contemporain en Italie.
Néanmoins l’art de Jean Villeri s’insère dans le contexte des grands bouleversements de la culture de l’image de ce siècle. Se détache avec force la synthèse plastico-chromatique de son message qui annonce la venue d’un temps nouveau et de même un temps antique pour l’homme et pour les arts.
La cohérence de son langage n’est pas incompatible avec sa modernité, c’est pour celà que la fascination mystérieuse qu’il inspire est encore intacte.
En outre, sa pensée poétique, transfigurée en formes qui transcendent les limites de l’humain, résiste non seulement aux fortes accélérations des modes de l’air du temps mais se projette, dynamique et incisive, dans cette dimension idéale d’un équilibre formel et essentiel identifiable dans la série “Présent, Futur Antérieur”.
C’est ainsi que le 5 mars 1975 Jean Villeri écrira : “J’ai découvert les grands champs magnétiques qui me libérent de notre époque décadente que je refuse et me libèrent de la servitude. L’expression plastique me pénètre et je me sens habité par un dialogue mystérieux...Tous est sujet de création... Il faut dépasser la mesure du temps et de l’espace qui ne sont plus que des notions qui se perdent dans l’infini!”.
En effet dans cette série magique il n’est pas difficile de sentir l’intensité de ces mystérieuses forces qu’il affirme avoir capturées et immobilisées à l’intérieur des structures antropomorphes dans lesquelles l’attention est présente au travers de signes filamenteux qui s’entremêlent, s’englobent, et délimitent les champs.
Des formes pareilles à des cocons momifiés, messages en provenance d’un espace lointain et inaccessible, rappelle les signes détruits d’antiques civilisations disparues. Par des traces de mondes ensevellis, dans lesquels le silence s’est installé pour toujours, Jean Villeri décrète sa volonté de dépasser les simples notions d’espace et de temps.
Jean Villeri obtint la nationalité française en 1976.
Après une vie entière dédiée à l’Art, il meurt à Cagnes-sur-Mer en 1982

 

 

Jean Villeri

 

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